Promenade à dos d'éléphant.
J'aime cette étape.
C'est maintenant que je me fais avoir par la découverte des paysages. Il n'y a plus d'échelle fixe, on passe de l'une à l'autre en quelques millimètres sans s'en rendre compte, ça semble normal.
L'argile est déjà un peu plus ferme mais les piliers sont toujours là et accompagneront le pachiderme jusque dans le four. Je les déplace si nécessaire mais ne les enlève jamais. Un accident à ce stade pourrait être soigné mais laisserait obligatoirement une cicatrice interne, une faiblesse, un bleu à son âme et à la mienne.
Refermer une sculpture.
L'éléphant des trois fontaines
Je comprends mieux le petit bruit d'eau que je percevais il y a trois jours. En réalité il y a trois fontaines à l'intérieur de cet éléphant.
C'est limpide et du coup tout se met en place sans effort. Voici donc "L'éléphant des trois fontaines"
Là c'est l'ébauche du petit balcon qui donne sur la rue de la tête de l'éléphant.
En dessous il y aura une porte et bien sûr des escaliers.
Chez moi ce doit être pathologique les portes et les escaliers.
Vider une sculpture et modeler les vides.
Apprivoiser les fentes des sculptures.
Elles nous accompagnent tout au long du travail et s'il ne devait y avoir qu'un conseil pour les dompter c'est de ne pas en avoir peur.
Les éviter c'est leur donner de la puissance, les ignorer c'est les rendre dangereuses, les craindre conduit invariablement à les fuir donc à les masquer rapidement d'un coup d'outil superficiel. Elles sont coquines, il faut s'asseoir à leurs cotés, les observer, les flatter, les mesurer, les provoquer un peu avant de les traiter en profondeur avec calme et méthode. Les fentes qui se révèlent après une cuisson sont des fentes qui se sont imperceptiblement formées pendant le séchage de la pièce.
Sur mon éléphant, lors de la coupe pour vider la pièce, on peut en voir un bel exemplaire probablement initié par les deux blocs d'argile de départ. Elle n'est pas dangereuse, je vais aller en chercher les limites et opérer une "couture" sérieuse avant de poursuivre mon travail.
Le palais arrive bientôt, j'ai hâte de découvrir ça.
Les éléphants rêvent souvent de ruelles étroites.
Une mémoire d'éléphant ? ... Allons voir.
Il est temps d'ouvrir le crâne de cet animal et d'alléger un peu ses pensées.
J'ai commencé à placer sur le flan les éléments de ce qui deviendra un moucharabieh lorsque l'intérieur du pachiderme sera terminé.
Bon pour le moment cela semble assez brouillon comme agencement du cerveau mais je pense qu'il ne faut pas se fier à mon intervention brutale. Soyons patients, je suis sûre que dans peu de temps nous distinguerons la beauté de l'âme des éléphants et la subtilité de leur réflexion.